Histoire urbaine de Porto

Vue du centre de Porto sur les bords du Douro vers l'est
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Les origines de Porto sur les hauts du Morro da Sé

On dit qu’un argonaute grec, Cale, a un beau jour installé un port près de l’embouchure du Douro. Ceci est une légende, puisque de fait, c’est au sommet de la colline de Morro da Sé (le Mont de la Cathédrale) que l’on trouve les traces les plus anciennes de la ville de Porto : du promontoire, on avait une vision stratégique sur toute la région.

Les sites de la fondation de Porto
Les sites de la fondation de Porto aujourd’hui

 

Portus Cale étant au milieu de l’axe stratégique Braga/Lisbonne, ce sont les Romains, spécialistes en construction de voies parsemées de points de contrôles, qui construisent en fait le port sur la partie basse de la cité, beaucoup plus propice, comme on le devine, aux activités nautiques puisqu’attenantes au Douro et à l’Atlantique.

Au IXe siècle, ce sont les Maures, puis les Vikings qui envahissent la ville, mais ils se trouvent face au redoutable Vimara Peres qui reconquiert Porto et Vila Nova de Gaia sur l’autre rive : cette aire devient le premier comté du Portugal en 868, le plus ancien d’Europe.

Au XIIe siècle, le roi Afonso VI offre ce comté à sa fille Theresa de Leão mariée à Henrique de Borgonha. Leur fils, Afonso Henrique, devient le premier souverain portugais. C’est dire si Porto est fondamental dans la construction du Portugal (qui porte son nom), ce qui en fait également le plus ancien pays souverain d’Europe.

En ce sombre Moyen-Âge, la ville devient le théâtre de vastes intrigues entre le pouvoir religieux (l’Évêque détenant les clefs de la ville), les nobles et la bourgeoisie civile. Ces derniers finissent par être expulsés du centre conformé encore aujourd’hui par les murailles fernandines, et s’installent à l’Ouest, dans des zones qui ne sont donc pas protégées des éventuelles invasions et qui se trouvent hors des zones de contrôle du commerce.

Le Douro, épine dorsale du développement de la Renaissance à l’époque moderne

Commerce du vin, croisades, explorations… Dès le XVIIe siècle, on fait de Porto une plaque tournante du vin du Douro transporté dans les barques de rabelos en utilisant les nombreuses caves de la Ribeira (la rive) dans le quartier de la Baixa. À partir de ce moment, c’est le port qui va concentrer toutes les activités commerciales de la ville jusqu’au XIXe siècle.

Le quartier des caves à vin de Porto
Le quartier des caves à vin de Porto

 

Barques de rabelos typiques
Barques de rabelos typiques

Ce sont les Vikings qui ont sans doute apporté à Porto leur connaissance de l’océan et de la navigation. Ils arrivaient avec leurs marchandises et repartaient avec d’autres. Les barques furent emblématiques du développement commercial de la ville.

Au XIXe siècle apparaissent les bateaux à vapeur et des liaisons très longues et dangereuses entre Porto et Lisbonne se mirent en place pour les voyageurs. Mais l’arrivée du train, en 1864, mit fin à ce mode de transport. Pour autant, de gros navires s’arrêtaient toujours sur les bords du Douro, à l’embouchure pour laisser la place aux petites barques nécessaires au commerce du vin.

Faute de place et face aux nécessités économiques du temps, on déplace le port en 1891 à Leixões, sur les bords de l’Atlantique. C’est d’ici que partent désormais tous les voyages internationaux. Le port du Douro reste spécialisé dans le vin.

L'histoire du Port de Porto du IXe au XXe siècle
L’histoire du Port de Porto du IXe au XXe siècle

 

Le commerce du vin comme élément de prospérité urbaine

On sait que le Portugal possède des accords indéfectibles, militaires et commerciaux, avec l’Angleterre. Ce pays en est le plus grand importateur dès le XVIIe siècle. Mais comme certains vins sont falsifiés, on met en place une législation très cadrée autour de ce commerce dès 1756 : Porto invente pour la première fois au monde l’équivalent des vins d’origine contrôlée !

Les Anglais, eux aussi peuple de conquête, sont en proie à de nombreux conflits et commandent énormément de vin de Porto, allant parfois à le payer 75 % plus cher que son prix véritable par gratification pour leur allié portugais. La prospérité du port et donc de la ville ne cesse alors de croître.

Comment le commerce du vin peut conformer la trame urbaine d'un quartier entier
Comment le commerce du vin à conformé la trame urbaine d’une ville entière…

Mais au XIXe siècle, la concurrence des vins français et espagnols fait du tort à ce commerce séculaire : on doit stocker le vin, et on construit un grand nombre de caves sur le quartier de Ribeira. Pour faciliter cette démarche, on construit le premier pont enjambant le Douro, un pont de bateaux, le Barcas. Au XXe siècle, on utilisera également le chemin de fer pour le transport du vin, qui finira par concurrencer et mettre à mal le transport fluvial.

Le port atlantique et le chemin de fer : une nouvelle étape du développement de Porto

Cette transformation forte des activités entraîne une métamorphose de la structure urbaine puisque la dynamique portuaire est bouleversée, induisant la mise en place de nouveaux réseaux de communication afin de connecter les nouveaux pôles.

Leixoes 1924
Leixoes 1924

Apparaît le tramway permettant de relier la ville et l’océan. L’arrivée simultanée du chemin de fer entraîne d’une manière irrémédiable un développement polycentrique de la ville, bien au-delà des frontières du centre. On est alors déjà dans une logique métropolitaine.

Le tramway à traction animale (6 chevaux ou 6 ânes) de Porto - vers 1890
Le tramway à traction animale (6 chevaux ou 6 ânes) de Porto – vers 1890

Souvent, à Porto, ce sont ces réseaux qui ont induit le développement urbain, comme autant de voies structurantes, d’une manière qu’on devine complexe, d’autant que l’essor de la Ville est très fort en ces temps.

En 1856, le train arrive au Portugal et on inaugure en 1864 la nouvelle ligne Lisbonne — Vila Nova de Gaia. Arrivés à ce terminus, les voyageurs devaient, à pied ou à cheval, emprunter le nouveau pont Pênsil (remplaçant le pont Barcas) pour se rendre à Porto même.

Mais c’est en 1877, une fois le pont Maria Pia construit par Eiffel achevé, qu’on put se rendre en train dans Porto à la gare Campanhã à l’Est de la ville.

Ceci eut une grande influence sur le développement urbain, puisque par sa localisation périphérique, la gare entraîna la réhabilitation du couvent Ave-Maria au cœur de Porto, en une gare terminus en 1896. Mais les travaux ne furent achevés qu’en 1916, et on la baptisa São Bento.

Une gare oeuvre d'art (influencée par le classicisme français relu par la culture de Porto)
Une gare oeuvre d’art (influencée par le classicisme français relu par la culture de Porto)

Ce bouleversement entraîna une refonte profonde de certaines zones centrales, notamment sous la houlette de l’architecte Barry Parker qui conçut la voie structurante de l’avenue des Aliados équipée de la Mairie et de plusieurs institutions de commerce et de finance.

L’expansion de l’Ouest de Porto par l’arrivée des classes laborieuses

Ce nouveau dynamisme attire une grande population bourgeoise et ouvrière. Ceci induit la construction d’une nouvelle gare en 1875 à Boavista reliée à trois lignes irriguant le nord du pays. Un tunnel fut ouvert en 1938 entre les gares de Boavista et Trindade, qui devint la grande gare terminus des lignes du nord du pays.

L'histoire du chemin de fer à Porto du XIXe au XXe siècle
L’histoire du chemin de fer à Porto du XIXe au XXe siècle

Mais le développement de la ville n’est possible que si celle-ci est, donc, reliée à l’océan. En 1854, on perce l’avenue de la Boavista qui favorise l’arrivée des transports collectifs avec cette ruée vers l’Ouest d’une nouvelle population.

Avenue de Boavista au XIXe siècle
Avenue de Boavista au XIXe siècle

Bien sûr, les familles bourgeoises venaient depuis toujours du centre de Porto profiter des plages en utilisant des carrosses tirés par des ânes puis, comme aux USA, un tramway à traction animale (l’Americano), en 1871, du Douro jusqu’à la Foz.

Mais on se rend bien compte que les besoins économiques et démographiques nécessitent un système plus capacitaire et structuré et en 1874, on initie un vaste chantier de tramways qui deviennent tous électrifiés en 1904 remplaçant les ânes et la vapeur, l’Eléctricos.

Le tram électrique de Porto dans les années 20
Le tram électrique de Porto dans les années 20

 

Une reconstitution du tram (aujourd'hui fonctionnant au Diesel et montant des pentes de 5% sans crémaillères...)
Une reconstitution du tram (ce modèle fonctionne aujourd’hui au Diesel et monte des pentes de 5% sans crémaillères…)

 

Reconstitution fidèle des "Electricos" avec  pantographe
Reconstitution fidèle des « Electricos » avec pantographe

C’est ce nouveau réseau qui permet non seulement l’expansion de la ville vers l’ouest, mais aussi celle de son nouveau port de Leixões.  Boavista devient l’une des premières plaques polymodales d’Europe train/tram/port.

C’est seulement en 1946 que la Société de transports collectifs de Porto (STCP) remplace les trams par des autobus, plus souples et moins chers à gérer. Les automobiles prennent possession de la ville…

L'histoire du tramway à Porto
L’histoire du tramway à Porto

On constate donc que la morphologie polycentrique de la ville de Porto s’inscrit tout entière dans son développement économique international structuré d’une part par le fleuve Douro, puis ensuite par la croissance de ses infrastructures portuaire puis ferroviaire liées à la démographie et à la spécialisation fonctionnelle de certains pôles hors des frontières communales, dans une perspective d’étalement reliant de grands pôles économiques ou industriels.

Pour en savoir plus, consulter le beau travail d’Hélio Pereira, projet de master EPFL 2009, « Intensifier la ville avec, pour vecteur, le métro : une nouvelle ressource pour la Boavista, Porto » 

 

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