Porto, une ville unique

Porto, vue générale
Share Button

Porto : 2e métropole du Portugal

Porto est une énigme. Son cœur de 238 000 habitants est très connu par les touristes. La métropole du Grand Porto (Région Littoral Urbaine-Métropolitaine du Nord), qui tutoie les 3 millions d’habitants, beaucoup moins.

Bien sûr, tout le monde connaît le vin de Porto — et sa longue histoire. On connaît aussi le Douro et ses fameux ponts que l’on sait construits par Gustave Eiffel (ce qui n’est que partiellement vrai). Parfois, on évoque ses azulejos, le café Majestic ou encore son vieux tram.

Mais très loin des images d’Épinal, Porto est une métropole en pleine mutation. Et elle pose bien des problèmes de lisibilité. Son centre, déclaré — à très juste titre — Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1996, s’est bâti en tenant compte d’une géomorphologie véritablement complexe, en haut d’une falaise et peu propice à la construction d’un port. Pour autant, à mi-chemin entre Lisbonne et Braga, la ville occupe une position stratégique pour s’installer sur la rive droite du fleuve, plus aisée à aménager. Son nom (Portus Cale) devient celui du pays.

Porto : une ville des conquêtes

La région envahie par les Romains, puis par de nombreuses vagues de belligérants venus de Germanie, puis par les Maures (entre 410 et 711), pousse le Comte Vímara Peres à vaincre une fois pour toutes les envahisseurs alors que naît, en 868, le premier comté indépendant du Portugal. Cela fait de ce pays l’un des plus anciens au monde.

En 1386, le roi João Ier du Portugal, marié à Filipa de Lancastre, une Anglaise, a la bonne idée de signer un traité d’alliance militaire entre deux pays, le premier au monde. Dès lors, la paix étant assurée, de ville conquise, Porto va devenir conquérante.

Le Planisphère de Cantino, la plus ancienne carte représentant les découvertes portugaises (vers 1502) - cliquez pour la taille réelle
Le Planisphère de Cantino, la plus ancienne carte représentant les découvertes portugaises (vers 1502) – cliquez dessus pour le consulter (source : fr/academic.ru)

La construction navale va battre son plein aux XIV et XVe siècles, et D. Henrique partit en 1415 explorer les côtes de l’Afrique de l’Ouest. Ce premier pas allait faire du Portugal le plus grand empire au monde, Porto en étant le centre. Le vin de Porto, déjà renommé, aida encore à la puissance de la ville grâce à des accords commerciaux spécifiques avec l’Angleterre, le traité de Methuen datant de 1703.

Porto fut tellement « attirante » que Napoléon tenta lui aussi de s’en emparer, en 1809. Mauvaise pioche : les Anglais, sous la houlette d’Arthur Wellesley, furent trop contents d’en expulser les Français.

Porto : la naissance de la République portugaise et la première chambre de commerce et d’industrie au monde

Mais la ville était restée puissante. Comme symboles de son avancée technologique, des ponts métalliques furent créés par les meilleurs ingénieurs métallurgistes du XIXe siècle, Gustave Eiffel, certes, mais aussi son associé Théophile Seyrig tandis que la puissance économique de la ville, avec son port de pêche, ses conserveries, son port de commerce et ses vins du Douro, en fit la grande concurrente de Lisbonne — située à l’époque à plus de 12 heures de là, par les bateaux à vapeur puis le train.

En 1834, les Portuenses construisent, comme icône de leur puissance économique, le Palácio de la Bolsa — ou Palais de la Bourse — après une histoire débutée au XVIIIe siècle où les négociants de la ville créent la Guilde des Marchands. En 1833, elle se constitua en Associação Comercial do Porto (ACP), la plus ancienne association d’entrepreneurs du Portugal et sans doute d’Europe, afin de régler les différends commerciaux entre ses membres. Avec le soutien du Roi, se créa le Code du commerce portugais qui s’appliqua à tous les corps de métier et dans de nombreux pays amis ou conquis, du Brésil à l’Angleterre : ceci a donné naissance à la première chambre de commerce et d’industrie du monde.

En 1891, ce n’est pas un hasard si les Républicains se révoltèrent à Porto, puisque cette cité était si puissante et emblématique comme centre névralgique du pays, et c’est ici que fut créée la République du Portugal en 1910.

Grandeur et décadence de Porto ?

Bien évidemment, Porto souffrit de l’arrivée au pouvoir d’António de Oliveira Salazar et de son « État nouveau », un véritable régime autoritaire qui prit forme en 1926, lors de la fin de la République — sans pouvoir faire véritablement front à la crise économique qui secoue le monde entier (1929, aux USA, se rapproche…) Le Portugal est au bord de la faillite et le gouvernement, dont Salazar, économiste, est ministre des Finances, demande de l’aide à la Société des Nations, sapant violemment la fierté du pays.

Salazar va alors monter en grade et cumuler, en 1930, les portefeuilles des Finances et des Colonies — qui ont extrêmement décliné à cette époque.

Les empires coloniaux en 1914
Les empires coloniaux en 1914 (Sciences Humaines.com)

En 1932, Salazar devient chef du gouvernement et crée le parti unique de l’Union nationale, avec la nouvelle constitution de 1933. C’est l’État Nouveau, qui marquera une période de déclin pour Porto. Prisonniers politiques, torture, chasse aux communistes, police traquant les opposants au régime, espions fondus dans la population, délation…

Par une politique inflationniste (qui affame la population), il stabilise les finances et fait du Portugal un pays « neutre » pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il fournit des métaux rares aux nazis tandis que Sousa Mendes, désobéissant aux ordres, sauve, selon certaines sources, jusqu’à 100 000 Juifs de France qui viennent se réfugier au Portugal. Le Portugal s’allie également aux Hollandais pour sauver ses colonies des griffes japonaises, notamment le Timor. Mais en 1949, le Portugal intègre l’OTAN, étant un allié depuis toujours de l’Angleterre. L’Europe se décolonise, Salazar refuse cela et enclenche de grandes guerres coloniales jusqu’à 1961. Cela va entraîner une nouvelle vague d’immigration. Jusqu’en 1974, année de la Révolution des Œillets et du retour à la démocratie, Porto s’est vidée de ses habitants et les crises économiques et politiques ont entraîné des vagues de départ successives.

Porto, une ville résiliente

Mais depuis, la métropole renaît de ses cendres. Ville industrielle, elle profite de l’intégration à l’Europe — comme tout le pays — pour revoir ses équipements, ses infrastructures, et pour consolider certains secteurs de son industrie qui étaient moribonds. Le tourisme — avec son aéroport et son port internationaux — ne doit pas cacher que la métropole de Porto renferme de grandes industries non seulement tournées autour du négoce du vin et de la sardine, comme le croient trop benoîtement nombre de Français, mais aussi autour du textile, de la métallurgie, de la chimie, de l’agroalimentaire, du cuir, de la céramique, du liège. Petrogal possède deux raffineries dans l’aire métropolitaine. De grandes marques comme Altri, Amorim, Ambar, Millenium BCP, Lactogal, Frilact, Porto Editora, RAR, Sonae, Unicer… y ont leurs sièges sociaux représentant 38 % des revenus industriels du pays, et 56 % des activités tertiaires.

En 2009, le PIB du Grand Porto d’élevait à 16,7 milliards d’euros pour 20 % des flux de commerce extérieur du pays représentant 25 % du PIB issu de l’export. (Pour en savoir plus, télécharger ce document en portugais). L’université et la recherche sont en plein essor, notamment dans les ingénieries de la santé, de la biochimie, de la mécanique, de l’électronique et de la robotique. Mais contrairement à la France, les sciences humaines sont loin d’y être sur le déclin… Et nous ne parlerons pas du mythe représenté par le FC Porto…

Voici donc tout ce qui fait la complexité de cette grande cité. Classicisme, modernité, contemporanéité, crises et reconstructions, résilience, imagination débridée, réinvestissement du patrimoine et invention ont créé un objet urbain unique, qui reste difficile à lire. Dans ce site, nous allons tenter un regard « vu de l’intérieur » sur Porto, en évitant le plus possible les clichés, mais le plus souvent en tentant de s’inscrire dans la quotidienneté, dans le réel des Portuans. 

 

 

Laissez un commentaire


*